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A quelques jours de l'ouverture de la 8e édition du «Festival international Mawazine, rythmes du monde», Aziz Daki, directeur de ce festival, nous a accordé un entretien qui fait le point et nous décline à la fois l'esprit et les modalités d'une manifestation de plus en plus prisée. | | | Placé sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui en est l'initiateur, le Festival Mawazine est devenu une référence nationale et internationale, il propose cette année une exceptionnelle palette d'artistes et de musiciens majeurs, dont certains atteignent la célébrité rarement acquise. De ce fait, il favorise l'accès à la grande musique - la world music - par le grand public et fait de la ville de Rabat l'une des capitales artistiques dans le monde. Nous sommes conviés, cette année, à découvrir un répertoire sans commune mesure avec ce que l'on a pu voir jusqu'ici, une programmation riche, diversifiée et qui répond, en somme, à tous les goûts et à tous les registres. Entre Stevie Wonder et Mayra Andrade, deux figures emblématiques de la musique world diversifiée, en passant aussi par Ennio Morricone, Kelly Minogue, Haïm Look ou Fathallah Mghari, le festival nous propose une immense pléiade d'artistes, chanteurs, compositeurs, créateurs tout simplement qui dominent la scène mondiale. Tant et si bien que nous n'avons aucun mal à souligner - quitte à nous répéter - que le «Festival Mawazine est à présent une référence mondiale», à l'image de ce Maroc nouveau qu'incarne, sans aucun doute, le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
Festival de partage et de tolérance, il est surtout une plate-forme de convivialité et de fraternité universelle. Aziz Daki ne s'y trompe pas d'ailleurs: «L'écho, dit-il, nous vient d'ailleurs, essentiellement des acteurs de la musique en Europe et aux Etats-Unis qui sont très surpris par la taille de ce festival et qui nous répètent que Mawazine fait partie des grands festivals du monde ». Eût-il été besoin de le souligner qu'un tel témoignage, recueilli auprès des professionnels internationaux, suffirait à nous convaincre que Mawazine ne le cède en rien, ni en programmation ni en choix pertinent, encore moins en termes de cadre à tous les autres festivals du monde. La musique, expression de partage, est aujourd'hui à Rabat ce que la fraternité et l'émotion à l'humanité. ---------------------------------------------------------------- Souci de la qualité, programmation diversifiée, proximité des grandes figures de la musique et ambiance conviviale
Le Matin : Placé sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui en demeure l'initiateur, le Festival Mawazine a désormais huit ans. Sous cette exigence suprême, il ne peut que réussir et engranger les succès. Quel est votre sentiment à cet égard ?
Aziz Daki : La Haute sollicitude de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, de même que ses encouragements, représentent pour toute l'équipe du festival Mawazine une source de fierté. Nous savons l'intérêt que porte Sa Majesté à Mawazine. Cet intérêt honore toutes les personnes qui travaillent dans le festival et les responsabilise davantage. Chacun de nous est conscient de ce que représente ce festival. Chacun de nous trouve dans le soutien de Sa Majesté le Roi un motif et un élan pour porter la manifestation vers le meilleur.
La nouvelle édition du festival Mawazine, musiques du monde se place cette année également sous le signe d'un renouvellement réel, à tous points de vue. Quelles en sont les raisons et les motivations ?
L'année dernière, le festival Mawazine a surpris le public et les observateurs par la qualité de la programmation et la catégorie des stars qui y étaient invitées. L'effet de surprise a joué en notre faveur. Cette année-ci, nous savons que le public sera plus exigeant, parce qu'il s'attend à mieux. Nous n'avons épargné aucun effort pour améliorer la qualité des prestations fournies l'année dernière. En plus de la programmation artistique qui parle d'elle-même, nous avons accordé beaucoup d'intérêt au confort des spectateurs. A cet égard, la grande scène int ernationale a été déplacée du site du Bouregreg à OLM Souissi. Les accès y sont plus faciles et la circulation plus fluide.
Et qu'en est-il de la programmation ?
La cohérence de la programmation, liée aux neuf sites du festival, a été davantage affermie. Désormais, chaque scène couvre une catégorie de musique facilement identifiable aux yeux des amateurs. La scène du Bouregreg célèbre les musiques du continent africain, celle de Hay Nahda, les artistes orientaux, celle de la place Moulay El Hassan, la chanson marocaine, celle du Chellah est portée vers la découverte des musiques du monde, celle de Qamra vers des groupes populaires et des musiques festives… L'ensemble est tenu par un fil rouge qui confère son identité au festival Mawazine. Il ne faut pas oublier non plus les actions de fond. Nous avons demandé dans ce sens à des artistes invités au festival d'animer trois ateliers de formations en direction des élèves des conservatoires de musiques.
Pourriez-vous nous confirmer la présence de tous les grands artistes, ces figures «majeures» de la musique à l'affiche, annoncés il y a quelques semaines déjà ?
Je confirme la présence de toutes les têtes d'affiche annoncées à la huitième édition du festival Mawazine. Il convient à ce sujet de préciser qu'un festival n'a pas le droit d'annoncer la présence d'un artiste de la catégorie de Stevie Wonder, Kylie Minogue ou Alicia Keys avant que le contrat ne soit signé par les deux parties. Mieux, les artistes communiquent déjà sur leurs concerts à Mawazine. Alicia Keys a expliqué par exemple qu'elle a accepté de chanter à Rabat, parce qu'elle avait envie de chanter en Afrique – terre de ses ancêtres.
La programmation, le choix des musiciens, le souci aussi d'offrir un répertoire inédit, une palette la plus large possible mais aussi la plus éclectique semblent inspirer plutôt une démarche de « faire dans le haut de gamme ». Cela vous a été facile ou laborieux à mettre en place ? Et quel est l'objectif ?
La préparation de Mawazine est l'œuvre d'une équipe, dévouée, passionnée et professionnelle. Nous travaillons toute l'année sur la préparation du festival. En ce qui concerne l'artistique, il y a trois personnes qui travaillent avec moi. Mahmoud Lemseffer pour la programmation des artistes orientaux, Hassan Neffali pour la programmation marocaine et Nasser Houari pour la soirée takassim-mawawil. Mais il y a aussi tous les aspects liés à la technique, à la production, à la logistique, à la communication, à la presse et au marketing qui sont la face immergée de l'iceberg. Ces aspects-là sont portés par des personnes engagées, dont certaines évoluent loin des feux des projecteurs, et qui accomplissent un travail de fond, remarquable et indispensable à l'avènement du festival. Quant à la catégorie dite «major artists», l'année dernière, nous avons eu plus de mal à toucher ces artistes, parce que nous avons contacté les grandes agences mondiales qui ne connaissaient pas le marché marocain.
Ceux qui sont venus l'année dernière ont vu et ont parlé de ce qu'ils ont vu. Ils ont vu un public extraordinaire, des qualités techniques pour se produire sur scène qui n'ont rien à envier à ce qui se fait de mieux en Europe et un respect des engagements contractuels. Les témoignages enthousiastes de ces artistes sont repris sur le site du festival. Le coup réussi de l'année dernière a crédibilisé Mawazine aux yeux de toutes les grandes agences mondiales. Aujourd'hui, non seulement ces agences nous connaissent, mais elles nous font confiance. Et cette confiance ne profite pas seulement à Mawazine, mais à d'autres festivals au Maroc, pays que certains promoteurs de musique qualifient déjà de marché émergent.
On dit que le festival Mawazine, et chaque édition s'efforce de le confirmer, est à la fois à la dimension du Maroc nouveau et de ses exigences et de celle des grands festivals dans le monde ? Qu'en pensez-vous ?
En tout cas, Mawazine établit On dit que le festival Mawazine, et chaque édition s'efforce de le confirmer, est à la fois à la dimension du Maroc nouveau et de ses exigences et de celle des grands festivals dans le monde ? Qu'en pensez-vous ? Maroc, ne serait-ce que par rapport à la catégorie des artistes qui y sont invités et aux moyens scéniques qui y sont investis. C'est vrai que nous sommes tellement dedans que nous ne voyons pas le chemin parcouru par ce festival. L'écho nous vient d'ailleurs, essentiellement des acteurs de la musique en Europe et aux USA qui sont très surpris par la taille de ce festival et qui nous répètent que Mawazine fait partie des grands festivals au monde.
Le programme, exigeant dans sa quête qualitative, porte également une partie de la musique de chez nous et notamment une dimension patrimoniale ? Qu'en est-il ?
La promotion et la diffusion de la musique marocaine constituent l'un des socles du festival Mawazine. La scène de la place Moulay El Hassan donne un aperçu de la richesse et de la diversité de cette musique. Nombre de groupes porteurs des musiques urbaines au Maroc se produisent à la scène du Qamra. Sans parler des créations de cette année, dont deux méritent l'intérêt. La première est un hommage à un genre patrimonial, la Aïta, avec la participation de pas moins de trente troupes. La seconde est une création entre le célèbre guitariste Al Di Meola et le grand luthiste Saïd Chraïbi.
«Mawazine» a réconcilié la ville de Rabat avec elle-même, mais aussi l'ensemble des Marocains avec la musique du monde parce qu'ils s'y rendent chaque fois. Comment voyez-vous le développement futur de ce festival, sa place dans le monde un jour aussi ?
La meilleure réussite de Mawazine est l'adhésion de ses publics. Il faut se représenter que chacune des neuf scènes du festival avait attiré un très large public l'année dernière. Il n'y a pas un public, mais des publics au Maroc et Mawazine n'élimine aucune catégorie de public, tout en respectant le concept de la manifestation et en conciliant qualité et popularité des concerts. L'année dernière, nous avons eu 1,2 million de personnes. Cette année-ci, nous en attendons davantage. Il est clair que beaucoup de visiteurs viendront de toutes les villes du Royaume. Il est tout aussi clair que des personnes viendront les week-ends de l'étranger, comme nous en avons reçu la demande. Notre ambition est que Mawazine devienne une date, internationalement connue, et un rendez-vous où il faut se déplacer pour toutes les personnes sensibles aux genres de musiques qui y sont présentés.
On parle de la « Fête dans la ville », pourriez-vous nous dire comment le public perçoit le festival, se l'approprie-t-il ou non, et nous situer son rapport à une manifestation devenue patrimoniale ?
Comme tout festival, Mawazine introduit la fête et rompt avec le rythme quotidien d'une ville. Le fait est que cette fête est d'autant visible à Rabat que cette ville avait la réputation d'être calme et peu propice au rythme. Avec tous les chantiers culturels qui y sont lancés et la présence d'un festival aux sons très rythmés, Rabat montre le visage d'une grande cité urbaine, ouverte sur le monde et aux expressions artistiques les plus audacieuses. La fête dans la ville, nous y tenons beaucoup.
La preuve, c'est que nous ne limitons pas le festival aux neuf scènes, mais introduisons le festival jusque dans les quartiers et les ruelles les plus reculés. Deux fanfares, Ciocarlia de Roumanie et Maharadja Brass Band d'Inde, vont déambuler dans les quartiers populaires de Rabat. L'accueil, très chaleureux réservé par le public aux fanfares de l'année dernière, a constitué l'un des plus beaux moments de Mawazine.
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| Aziz Daki |
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